Le Chemin Royal, De Versailles à St Germain

Grand Format de Lucie Geffroy (pour Le Monde.fr) EXTRAITS

De Versailles, la première ville nouvelle de France, aux terrasses de Saint-Germain-en-Laye : où, sur les traces du Roi Soleil, on découvre la plus grande copropriété d’Europe, un gigantesque échangeur autoroutier et les vestiges d’un vieux monstre hydraulique.

La première marche exploratoire du futur sentier métropolitain du Grand Paris nous conduit de Versailles à Saint-Germain-en-Laye : 22 kilomètres au cœur d’un territoire exprimant à son plus haut degré les ambitions successives du pouvoir central. Celui de la royauté d’abord : Versailles, née de la volonté de Louis XIV, est considérée comme la première Ville nouvelle de l’histoire moderne – elle a d’ailleurs inspiré la structure urbaine de grandes capitales telles que Londres, Saint-Pétersbourg ou Washington. Puis ce sont les ambitions de l’Etat qui ont par la suite façonné cet espace – quartiers résidentiels construits ex-nihilo, autoroutes, infrastructures, etc. – pour en faire le territoire caractéristique d’une banlieue riche et aisée de l’Ouest parisien.

Du château, nous ne verrons que l’entrée au loin, nous contentant de longer l’arrière-train des bus touristiques endormis sur le parking. Nous empruntons la rue des Réservoirs : les réservoirs en question n’existent plus depuis bien longtemps. Ils servaient à alimenter les jardins et fontaines du parc de Versailles. La gestion de l’eau a toujours été un défi pour la ville royale, alors même que ses sous-sols sont très humides. Aujourd’hui, Versailles est d’ailleurs une des rares villes à avoir un système de récupération des eaux souterraines utilisé par ses services pour arroser les jardins publics et nettoyer les trottoirs, remarque Renaud Anzieu, porte-parole de l’association les Colibris de Versailles. La dizaine de cuves souterraines actuellement utilisées couvrent 95 % des besoins en eau non potable de Versailles.

A la sortie du parc de Versailles : Le Chesnay. Quelques foulées dans un passage souterrain, sous la nationale 186, et nous voilà à l’orée de ce qui de loin ressemble à un quartier comme un autre. Bien tenu. Très bien tenu, même. Un chapiteau bleu à rayures blanches dépasse de haies parfaitement taillées. Des allées piétonnes bordées d’un gazon à la surface tirée au cordeau mènent à de petits immeubles de trois, quatre ou cinq étages aux façades ponctuées de belles baies vitrées. Peu de voitures. Beaucoup de caméras de vidéo surveillance suspendues aux lampadaires. Nous venons de pénétrer dans Parly 2 : la plus grande copropriété d’Europe. Organisée autour du centre commercial du même nom, elle s’étend sur 200 hectares et regroupe 7 500 habitations nichées dans des immeubles construits en plots. Vu du ciel, ça ressemble à n’importe quelle cité de banlieue. A hauteur d’homme, c’est coquet à souhait. 18 000 personnes habitent à Parly 2. Une ville dans la ville.

Elle a poussé à la fin des années 1960. La France est alors en pleine crise du logement. C’est le moment où l’Etat lance ses villes nouvelles ; les promoteurs immobiliers s’engouffrent dans la brèche. Un certain Robert Zellinger de Balkany (rien à voir avec Patrick Balkany) repère ces 200 hectares de terres horticoles et de terrains vagues à cheval sur Le Chesnay et Rocquencourt, le tout à quelques centaines de mètres du parc de Versailles. « L’idée était simple : faire un petit Paris, au milieu des Yvelines, en pleine campagne avec des équipements tournés vers les loisirs pour attirer les classes moyennes supérieures dans cet partie de l’Ouest parisien », explique Odile Drouilly du Conseil d’urbanisme (CAEU) du Val d’Oise et habitante du Chesnay. De Balkany pousse le vice jusqu’à donner des noms de quartiers chics parisiens à son ensemble : Longchamps, Trocadéro, Auteuil, Concorde, Palais Royal, etc. La copropriété devait d’abord s’appeler Paris 2 mais des élus parisiens s’y sont opposés. Ce sera finalement Parly 2, contraction de Paris et de Marly à quelques kilomètres de là.

De Rocquencourt, traversée rapidement, on garde l’image d’une ville qui a été sacrifiée, découpée par l’A13 – la première autoroute de France ouverte en 1940 – et la D307. La commune est surtout connue pour son grand échangeur autoroutier, le fameux « triangle de Rocquencourt », qui relie Paris à Caen et Rouen, posé sur l’A13 depuis les années 1950. Il est souvent cité dans les bulletins d’information pour ses interminables bouchons. Nous rejoignons la « route de Versailles » : une nationale à double voie, bruyante, que nous longeons sur un chemin de terre : la monotonie du paysage n’est rompue que par la visite du jardin du Pacha club, haut lieu de la nuit ouest-parisienne. On se console en se disant, que c’est par cet axe que le Roi-Soleil arrivait à Marly à cheval, fuyant les tracas de Versailles.

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